Opération d’évacuation des opposants au projet Cigéo à Bure

La gendarmerie nationale a évacué ce jeudi le bois Lejuc, épicentre de la lutte contre le projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, dans la Meuse, avec une opération d’envergure pour déloger par surprise les opposants antinucléaires. Depuis l’aube, cinq cents gendarmes ont été mobilisés pour l’évacuation de ce site de 221 hectares à proximité de Bure. Au début de l’intervention, une quinzaine d’opposants étaient présents.

«L’opération est toujours en cours et se déroule sans incident majeur», a expliqué en fin de matinée la préfète de la Meuse, Muriel Nguyen, ajoutant que les moyens mobilisés étaient «adaptés et nécessaires pour prévenir les débordements et rassurer la population». Le bois Lejuc a été retenu par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) pour l’installation des cheminées d’aération du projet Cigéo, visant à enfouir à 500 m sous terre les déchets nucléaires les plus radioactifs ou à vie longue du parc français. Saisi en référé par l’Andra, qui veut y réaliser des forages exploratoires dans cette forêt, le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc avait pris en avril une décision d’expulsion.

Des lieux «de non-droit»

Deux bulldozers ont commencé à nettoyer les barricades et bivouacs des opposants à l’entrée du bois Lejuc, a constaté une journaliste de l’AFP. Les forces de l’ordre «essaient de nous faire descendre et nous menacent», a déclaré par téléphone un opposant perché dans un arbre. «Je ne veux pas descendre. Nous sommes là pour montrer qu’on ne veut pas qu’on empoisonne la Terre mère, on est dans un vieux chêne qui a vécu bien plus longtemps que nous.» À la «Maison de résistance» à Bure, les forces de l’ordre «se sont introduits par la force, sans explication, en disant qu’ils allaient faire usage de la force contre nous», a raconté, très énervée, une opposante, se faisant appeler Camille, après avoir été expulsée du bâtiment. Le réseau «Sortir du nucléaire» et d’autres associations d’opposants ont appelé «à des rassemblements devant toutes les préfectures ce soir à 18 heures».

«Dans un Etat de droit, les oppositions doivent s’exprimer de manière légale», a écrit sur Twitter le secrétaire d’État à la Transition écologique Sébastien Lecornu, qui doit faire une conférence de presse sur place en début d’après-midi. «Nous ne voulons plus qu’il y ait en France des lieux qui soient des lieux de non-droit», a déclaré Gérard Collomb, en marge d’un déplacement à Lognes (Seine-et-Marne). Vendredi, le premier ministre Edouard Philippe avait affiché sa détermination à ne pas laisser «s’enkyster» les «Zad» (»zones à défendre») occupées par des militants, alors que l’exécutif s’est engagé à évacuer fin mars à l’issue de la trêve hivernale l’emblématique Zad de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).

Le choix de lancer l’évacuation jeudi s’explique aussi par le fait que les opposants à Cigéo «devaient venir installer un bâtiment en dur début mars et il n’était pas question que ce bois devienne une zone de non-droit», a expliqué à l’AFP Frédéric de Lanouvelle, porte-parole du ministère de l’Intérieur. «C’est absolument invraisemblable car la visite de Sébastien Lecornu était prévue aujourd’hui. Il devait nous rencontrer demain en tant qu’opposants. C’est la sidération», a déclaré une porte-parole du collectif «Bure Stop», expliquant que la propriété du bois Lejuc «est contestée», avec «des recours en cours déposés sur l’illégalité des travaux».

Mise en service prévue à l’horizon 2026

Ce bois de 221 hectares accueillera, si l’État valide la zone, le «puits», c’est-à-dire l’installation des cheminées d’aération du projet. Celui-ci vise à enfouir à 500 mètres sous terre les déchets nucléaires les plus radioactifs ou à vie longue du parc français. L’agence doit réaliser des forages exploratoires dans la forêt afin de récolter des données en vue du dépôt de la demande d’autorisation de création (DAC) du site, prévue pour 2019. Des forages rendus pour l’heure impossibles par l’occupation du bois.

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L’occupation de ce site a débuté en juin 2016 quand l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) a commencé à débuter à défricher la forêt et à construire un mur autour. Plusieurs manifestations se sont ensuite succédé, avec notamment une seconde occupation du bois à l’automne 2016. Depuis une dizaine de personnes vivent dans ce bois. En janvier, l’Autorité de sûreté nucléaire a rendu un avis favorable pour le projet d’enfouissement dont la mise en service est prévue en 2026 ou 2027. Elle avait cependant émis quelques réserves estimant notamment que le futur centre ne pourrait pas, en l’état, stocker certains déchets en raison d’un risque d’incendie.